ItinérEtre, parce que la vie est un cheminement dont l’enjeu est d’aller à la rencontre de soi, dans un processus d’individuation.
C’est au départ d’un travail d’accompagnement social auprès de personnes migrantes qu’est né mon intérêt pour la clinique transculturelle, que je pratique maintenant depuis plus de 10 ans (2008).
Je me suis formée à la clinique transculturelle auprès de Marie Rose MORO et son équipe, à l’Université Paris 13, à Bobigny (Diplôme Universitaire en Psychiatrie Transculturelle).
En amont de cette formation, et depuis de nombreuses années, j’étais moi-même engagée dans un travail d’introspection psychanalytique.
Ce travail personnel a été fondateur dans mon désir de développer ma propre pratique clinique.
Depuis 2018, je suis coordinatrice et clinicienne au sein de l’asbl Espace Sémaphore, que j’ai créée avec des collègues psychologues clinicien.nes, formateur.trices et chercheur.euses.
Ma longue expérience d’accompagnement des personnes migrantes m’a permis de prendre conscience de l’importance fondamentale de la transmission : celle du patrimoine culturel, mais également de l’histoire migratoire.
Fréquemment, j’ai constaté des failles ou embûches entravant cette transmission, parfois lourdes de conséquences pour les descendant.es et héritier.es de ce patrimoine et de cette histoire particulière.
La question de la transmission est devenue une préoccupation centrale de ma pratique.
L’analyse transgénérationnelle, qui m’a aussi accompagnée dans mon parcours thérapeutique, m’est apparue comme une évidence.
Je suis formée à l’analyse transgénérationnelle auprès de l’institut Généapsy (certification en cours), second support essentiel de ma pratique clinique.
L’accompagnement de descendant.es des diverses migrations, qu’elles soient géographiques ou sociales, est la spécificité de ma pratique.
Le croisement des pratiques :l’analyse transgénérationnelle au service de la transmission de l’histoire migratoire.
Tu sais, ce que j’ai appris de l’histoire de ma famille, c’est que un jour, t’es là ; le lendemain, t’es plus là.
Ces mots sont ceux d’H., une soixantenaire impressionnante par sa grande capacité à vivre chaque jour, l’un après l’autre, sans jamais être gagnée par l’anxiété d’un lendemain incertain.
C’est que son histoire familiale a tragiquement croisé la grande histoire : Son père, migrant polonais de l’après-guerre, a épousé sa mère en secondes noces, et H et ses frères et sœurs sont nés de cette seconde union.
Le père de H a été marié et père de famille dans une vie précédente, dans un autrefois séparé du présent par la tragédie du génocide juif de la seconde guerre mondiale.
Ce qui reste comme trace de cette première famille aujourd’hui disparue, ce sont quelques photographies et une injonction muette : « vis aujourd’hui, intensément, parce que tu ne sais pas si tu seras encore là demain ».
Si H a pu recycler cette injonction transgénérationnelle en une formidable force vitale, il n’en est pas toujours de même avec les héritages transgénérationnels (c’est-à-dire transmis de manière inconsciente) dans les familles ayant vécu une migration.
Migrer implique la transmission de sa culture d’origine dans un contexte d’altérité.
Cette transmission peut avoir été fragilisée, par de multiples facteurs : les contextes des pays de départ et d’arrivée, la réussite ou l’échec du projet migratoire, le racisme et la perte du statut social,…
Il n’est pas rare de voir le silence et le mystère s’installer autour de cette migration passée, qui a pourtant bouleversé l’histoire familiale.
La langue et l’univers culturels qui ont été laissés derrière soi ne sont pas ou peu transmis, et les héritiers de cette histoire familiale n’en ont comme seules traces que le nom qu’ils portent, la couleur de leur peau, ou le rappel de cette altérité passée que leur propre pays leur renvoie fréquemment.
Or, un événement tu dans une histoire familiale peut, en quelques générations, donner lieu à un héritage bien encombrant.
Les outils de l’analyse transgénérationnelle permettent de débusquer, dans la généalogie familiale, l’événement traumatique silencé qui, en quelques générations, se mue en une injonction à la réparation, la reproduction, ou la réinvention de son dénouement.
L’intérêt du génogramme transculturel est qu’il permet d’explorer, au-delà de la singularité et de l’intimité de chaque histoire familiale, les éléments liés au contexte de cette migration : était-ce une migration subie ou un exil ? Tous les membres de la famille ont-ils quitté leur terre ensemble ? Quels étaient les contextes politique, économique et social des pays de départ et d’arrivée ? Les récits de la grande histoire parlent-ils de cette histoire migratoire ? Quels étaient les liens entre les deux pays (de départ et d’arrivée) ?
La migration a-t-elle eu pour conséquence une ascension ou une précarisation sociale ?
L’analyse des événements de la petite histoire, croisés avec les contextes macro-historiques permet de donner un éclairage nouveau à l’histoire familiale et de faire recirculer la parole autour de l’histoire familiale.